Journée de merde. Journée de merde à la suite d’une autre journée de merde, mais celle-ci va être particulièrement pénible. Elle vient de débuter et tu as déjà envie d’étrangler des gens. Bon, te concernant tu as souvent envie d’étrangler des gens, en particulier le matin. Cette fois-ci n’échappe pas à la règle. En plus de l’habituelle morning irritability, tu es malade à cause du plongeon dans l’eau glacée que tu as fait hier. Tu la retiens celle-là, d’ailleurs, ce Elios a intérêt à surveiller ses arrières parce que tu trouveras un moyen de te venger. Tu trouves toujours. En plus de ça, un gardien est venu vous séparer au lieu de vous laisser vous battre comme des adultes (objectivement il fallait que quelqu’un intervienne avant que ça ne déborde. Subjectivement tu n’as pas apprécié la méthode, et tu voulais voir jusqu’où vos conneries allaient vous mener) et t’a collé de corvée de nettoyage de murs. Murs que tu as toi-même taggés. Et il y en a un paquet, tu as été très occupé.e depuis ton arrivée ici. Tu espères qu’on ne te fera pas tout effacer, certains d’entre eux sont vraiment bien exécutés. Et ça coute cher la peinture ! c’est pas fait pour être gaspillé de la sorte.
Tu as enfilé des vêtements confortables pour pouvoir bouger sans être tout collant de sueur, et des chaussures faites pour passer du temps debout, des baskets confortables, pas tes doc martens qui, si elles sont pétées de classe, ne sont pas forcément hyper confort dans la durée. Et t’as pas envie de les pourrir en les mouillant, ce serait trop nul. Tu espères que tu auras le droit de porter un casque et écouter de la musique en nettoyant, parce que sinon, l’ennui mortel. Tu bourres donc ton casque dans un sac à dos, enfiles une veste légère pour contrer le froid matinal, et te diriges hors des dortoirs pour attendre l’adulte qui va devoir gérer ton cas. L’adulte plus adulte que toi, parce que tu es factuellement un adulte. Un adulte qui tag des murs et se bat avec le premier venu, mais un adulte quand même. Qui n’apprécie pas exactement d’être puni comme un collégien.
Comme tu es arrivé.e un peu avant l’heure, tu attends en grattant ton vernis à ongle bleu. De toute façon si t’as les mains dans l’eau toute la foutue journée t’es bon pour devoir le refaire, au moins tu as de quoi te donner une conscience jusqu’à ce que l’heureux préposé à ta surveillance se pointe. Fun fact tu n’as aucune idée de ce à quoi il ressemble. Quand tu es allé voir l’administration hier pour leur demander comment procéder, ils t’ont juste indiqué où aller chercher une brosse et un seau d’eau, et t’ont joyeusement souhaité bonne chance dans ta tâche ardue. Tu n’as pas pensé à demander un portrait robot et maintenant tu attends comme un con en espérant que l’adulte en question au moins aura des info sur ton apparence – ce qui n’est pas difficile, tu es très reconnaissable.
Lian est venu me voir pour prendre en charge un gamin qui a fait des conneries. Apparemment il s’agirait du gamin qui a tagué certains murs de l’enceinte de graffitis, qui a emmerdé Orion et qui semble être quand même un sacré numéro, pire qu’Elios, qui paraît. C’est possible ça ? Ouais bon, Lian a bien vu mon étonnement quand il m’a balancé ça. Il a certainement entendu le fond de mon esprit à ce sujet et j’ai pu dénoter un petit sourire en coin de sa part. Seulement, me voilà à devoir prendre en charge pour sa corvée de nettoyage ce gamin qui, d’après la description de Lian et celle de Piou, ressemble à une barbe à papa doublé d’un chewing-gum rose adepte des limaces et des canards. Autre point, il est petit et a une tronche de canaille. Donc, trouver un gamin avec des cheveux roses un look d’adorateur de limaces et de canard et une tête de fouine.
Ça va être coton ça…
J’ai au moins son nom, donc j’ai pas été trop con pour le coup, je suis allé chercher son dossier à l’administration histoire d’avoir sa tronche et ses capacités pour me préparer au pire le concernant et savoir si c’est vraiment un… cauchemar, comme les autres disent si bien. Évidemment bordel ! C’est le cas de le dire en fait, normal qu’il soit invivable, C’EST un cauchemar dans tous les sens du terme... Je soupire malgré moi et me masse l’arête du nez. De toute façon je verrai bien à quoi m’attendre. Mais le truc que j’ai retenu c’est qu’il a réussi à agacer Orion et ça, ça je l’ai mauvaise d’emblée. Surtout que c’est arrivé en mon absence alors c’est pire. J’ai potassé le dossier avant de le ranger, aller chercher quelques affaires pour la journée et d’aller jusqu’au bureau des colles devant lequel mon élève perturbateur devrait logiquement attendre.
Je traverse donc les couloirs avec ma tronche patibulaire habituelle pour me rendre au lieu de rendez-vous. Et quelle surprise de le voir avec un peu d’avance avec son matériel de nettoyage. C’est qu’il a l’air d’être ponctuel et pressé de commencer ce petit dites donc… A croire qu’il n’est pas si perturbateur qu’on ne le pense. C’est vrai qu’il est reconnaissable entre mille avec son allure. Ok, la taille n’augmente pas à mesure que je m’approche, elle réduit même. Il n’est pas bien grand. Je m’arrête à bonne distance de lui afin qu’il ne se torde pas trop le cou quand je l’interpelle.
─On est ponctuel Jenkins. Bon point pour toi. On commence doucement... ─Salut, moi c’est Strife, paraît que t’es de corvée de nettoyage avec moi, allez viens… Je lève la main pour lui faire signe de me suivre. Lian m’a montré tous les endroits qu’il devait nettoyer donc on commence par le plus proche de ceux-ci. J’attends qu’il réagisse et se décide à se bouger les miches.
Quoiqu’il en soit s’il tente de prendre la poudre d’escampette il risque d’être bien déçu du résultat avec moi et plus il fera l’imbécile plus je serais intransigeant avec lui. J’observe son seau dans lequel se trouve une brosse et les produits de nettoyage. Première étape, aller remplir le seau histoire de pouvoir bosser correctement dessus. Mais je sens que la journée va être gonflante à souhait.
Wow. Le type qui va devoir surveiller pendant que tu frottes des murs pendant des heures – tout ça pour les vandaliser à nouveau d’ici une à deux semaines, donc leur répit sera de courte durée – a l’air au moins aussi enthousiaste que toi vis-à-vis de la façon dont vous allez passer la journée. That checks out, la journée va effectivement être un cauchemar. Et tu t’y connais en cauchemars. La bonne nouvelle ? avoir à faire des travaux répétitifs, ça permet de se vider le cerveau et de réfléchir en profondeur. Tu vas donc pouvoir comploter contre ton nouveau némésis pendant que tu te retrouves à frotter comme un débile. Tu hausses les épaules en direction de l’adulte. Par son évidente bonne humeur et envie de vivre, il a plus ou moins gagné…pas ton respect, on va pas aller jusque-là. Disons, quelque chose qui ne te donne pas trop envie de faire de la merde sous sa surveillance. Tu veux juste que cette journée soit terminée. Alors tu fais la chose la moins intuitive pour toi : tu fermes ta bouche et tu suis, l’air morose mais sans commentaire désobligeant.
Tu fais pas particulièrement le malin, mais quand le seau sera plein d’eau, ce sera encore moins fun, parce qu’avec tes petits bras de fragile, tu vas galérer à transporter le seau, le tout sans en renverser à chaque foulée, que ce soit sur le sol – osef – ou sur tes jambes – moins osef. Tu suis le geôlier – drama queen – qui s’appelle apparemment Strife, first name basis, nice, I guess, jusqu’au point d’eau le plus proche et tu procèdes intelligemment : tu bourres le seau jusqu’à ce qu’il rentre dans l’évier, sans réfléchir au fait qu’il faudra le sortir avec de l’eau dedans, et te galérer parce qu’il sera coincé. Enfin, on ne peut pas dire que tu n’y réfléchis pas. You do. Seulement ta flemme et ta mauvaise foi te font dire que tout va bien se passer et que tu ne renverseras pas la moitié de la flotte sur ton tee-shirt en essayant de dégager le seau. Ha-fucking-ha. Tu glapis – faute d’un mot un peu plus crédible – quand l’eau froide se répand sur toi, avant de réciter une suite bien construite d’insultes plus ou moins colorées, dans deux langues différentes, en direction de : l’évier, et ta propre personne. Tu tires encore un coup sur le seau, réussis à le décoincer et le présente à Strife avec l’air de quelqu’un qui veut juste aller se blottir sous sa couette pendant environ 48h.
- C’est bon, j’ai de l’eau.
Il y en a autant dans tes fringues que dans ton seau, et l’affirmation est d’une inutilité frappante, parce qu’évidemment que tu as de l’eau, c’est ce que tu es venu chercher. Vous êtes là pour ça. Mais bon, tu vas pas juste lui montrer le seau et garder le silence. Il pourrait croire que la punition fonctionne et te fait réfléchir sur tes conneries et la culpabilité que tu devrais ressentir. La seule chose que tu regrettes, c’est de pas avoir frappé Elios assez fort. Ou de pas avoir utilisé de paillettes dans tes tags. Même si en soi c’est pas plus mal, ce serait du gâchis de paillettes vu que tu vas devoir faire disparaitre tout ça. Heureusement que tu as des photos sur insta, pour te souvenir de bientôt-feu tes œuvres. Tout ça pour dire : No ragrets, only annoyance. Et en théorie il doit être tout aussi agacé que toi vis-à-vis de la journée qu’il va se taper. Garde chiourme ça devait sans doute pas être dans ses projets d’avenir.
Première étape, récupérer l'eau. J'emmène donc Scout qui me suit sagement jusqu'aux lavabos extérieurs de l'enceinte. Il se dirige directement vers eux pour bourrer le seau dans l'un d'eux. Sans même observer autour de lui. Je détourne la tête vers un robinet solitaire contre un mur, puis reviens sur le petit qui galère à retirer son seau rempli du lavabo. Ok, il est pas très malin pour le coup. Quand il me montre son seau rempli avec un tel seum sur la tronche, j'hésite beaucoup à lui montrer le robinet sans évier qui était fait pour lui éviter des déboires à la base. En vrai je pourrais lui montrer pour les prochaines fois où on pourra le remplir, mais je vais garder ça pour plus tard. On verra s'il devient un peu plus attentif à ce qui l'entoure plus tard dans la journée. ─Merveillable ! Maintenant on va mettre le détergent. Évite de t'en mettre partout, sinon j'espère que tu ne tiens pas à tes fringues. Je sors le détergent de mon sac et m'approche de lui pour lui en mettre deux bouchons. Ensuite je me redresse pour l'emmener vers le premier tag à nettoyer.
En arrivant, je reste devant son œuvre, c'est plutôt pas mal ce qu'il fait. C'est coloré et plutôt cool comme design. Bah ouais, des fois je me dis qu'il faut laisser les jeunes s'exprimer, quand ce ne sont pas des insultes mises sur les murs pourquoi les enlever, ça fait de la déco. Je prends en photo l'oeuvre, puis le gamin. ─T'as quand même du talent. C'est con de faire ça sur les murs du campus. Moi je verrais bien ça dans une salle de cours en vrai. Ou dans le gymnase toute une fresque de tags classes. Je lui donne une brosse pour qui frotte et nettoie correctement et des gants en plastique rose de ménage. Ça ira bien avec sa couleur de cheveux. Puis je me pose sur le muret en face pour le surveiller. Je ramène une jambe contre moi et pose mon bras sur mon genou tout en regardant ce qu'il fait avec un flegme non dissimulé. J'envoie une photo de Scout en train de nettoyer le mur à Lian pour lui montrer qu'il nettoie ses conneries. En attendant je réfléchis à une façon de lui permettre d'exprimer son art sans avoir besoin de le supprimer après. Il pourrait demander aux directeurs un coin spécifique où il pourrait taguer comme il l'entend sans qu'on doive l'effacer. Ça lui permettrait d'être moins frustré par tout ça.
Dans tous les cas, pour l'instant il ne me donne pas envie de le faire nettoyer le mur avec une brosse à dents, s'il devient trop chiant, là j'y viendrais. Ça n'empêche que la journée va être longue et que j'aurais dû ramener de la lecture. Quoique… je peux peut-être m'amuser un peu avec le petit à lui faire lâcher sa brosse quelques fois pour qu'il galère un peu avec ma psychokinésie. Lui faire tomber la brosse dans l'eau brusquement pour que ça l'éclabousse. Ouais ! Ça c'est drôle et l'entendre râler et insulter le seau et la brosse ce sera amusant à voir. Commençons doucement, pas trop souvent non plus pour ne pas attirer l'attention. Observons d'abord s'il est maladroit ou pas avant de le bizuter un peu.
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Ven 2 Juin - 2:11
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